La passe d’Avatoru, Rangiroa
Cette nouvelle plongée, prévue à Avatoru, était annoncée par les connaisseurs comme une plongée tranquille et beaucoup moins sportive que celles que j’avais pu mener au cours de mon expérience de plongeuse… Je verrai bien ce qu’il en est sur place, dans le bleu profond avec palmes aux pieds et bouteille sur le dos.
Cette plongée au sein de l’atoll de Rangiroa s’effectue dans la passe d’Avatoru. Ce lieu bien connu des plongeurs locaux comme étrangers est célèbre pour deux choses :
- la présence du « tapete », le requin à pointes blanches emblématique de Rangiroa
- les gigantesques bancs ou « boules » de carangues.
Le centre TOPDIVE de Rangiroa
Nous étions 4 à vouloir découvrir ce site ce jour-là. Arrivés au centre TOPDIVE de Rangiroa, c’est Stéphanie Hernandez, notre monitrice pour la journée, qui nous a pris en charge. Ce petit bout de femme plutôt menue faisait transparaître un plongeur hors paire avec une condition physique à toute épreuve. Nous avons rapidement quitté le centre pour rejoindre notre site à bord d’un zodiac, impatients de voir ce qu’il nous y attendait. Stéphanie profita d’un arrêt «essence » pour nous tenir son briefing. A quelques mètres seulement de la passe, on pouvait sentir l’excitation qui envahissait notre petite embarcation. C’est à l’aide de schémas et d’instructions précises qu’elle nous a expliqué le plan de notre plongée au Nord-Est de ce magnifique atoll. Les consignes concernant la faune ne devaient pas être prises à la légère : Stéphanie nous a expliqué quelle attitude adopter lors de la plongée et notamment lorsqu’elle essaierait d’attirer l’attention des « tapete » en frappant deux cailloux l’un contre l’autre sous l’eau. Au sujet de la « boule » de poissons, elle nous a recommandé de ne surtout pas l’éclater avec nos bulles. Ainsi briefée, notre palanquée était prête pour la plongée. Après avoir récupéré un autre groupe de plongeurs japonais sur le quai, nous nous sommes installés dans le bateau qui a rapidement filé vers la passe d’Avatoru.
Arrivés au site, notre descente à l’extérieur du récif a commencé très rapidement : nous longions à environ 25 mètres de profondeur le rebord du récif. Très rapidement, nous avons eu l’occasion d’observer un gigantesque banc de carangues échevelées, étonnants êtres argentés munis de nageoires dorsales prolongées de filaments d’argent leur donnant un aspect irréel de créatures de conte de fées. Les voir en banc, tellement concentrés, était encore plus impressionnant !
Stéphanie lança ensuite son « appel des tapete »…mais en vain et ceux sont deux énormesraies manta que nous avons vu glissant au loin.
Soudain, côté récif, une énorme masse sombre, qui semblait se diriger vers nous, a attiré notre attention. Nous nous lancions des regards perplexes, peu rassurés… Etait-ce une créature marine inconnue dont nous n’avions pas prévu la présence?
J’ai eu un sentiment d’appréhension devant ce phénomène inconnu s’approchant doucement de moi…
“Notre petite palanquée s’approcha donc prudemment de la masse, suffisamment prêt pour discerner « la chose ». C’était la fameuse « boule » de carangues. Assurément, son immensité me stupéfia. ”
Appeler cela un banc, quel euphémisme !
Sa présence nous écrasait par sa taille immense et a monopolisé notre attention pendant un bon quart d’heure. Respectant nos consignes de briefing, nous restions immobiles pour ne pas perturber les poissons : les bulles des plongeurs risquaient de briser la boule en les dispersant. Mais notre collègue japonais, Onishi San, incapable de contenir son excitation, se plaça sous la boule pour la photographier. Comme prévu, ses bulles scindèrent la «boule» en deux… Il y eu un moment de panique chez les poissons, comme si une explosion venait de se produire. Puis les poissons se regroupèrent en formant cette fois-ci deux masses imposantes. Ces deux masses étaient encore bien volumineuses, mais notre effervescence s’évapora tout comme notre enthousiasme. La magie était rompue…
Continuant notre périple, nous avons vu une tortue qui « butinait » parmi les coraux Pocillopora. Stéphanie a aperçu la queue d’un espadon voilier s’éclipsant hors de la zone… probablement à la poursuite d’une proie. Après avoir tourné à gauche à une pointe, nous avons commencé à remonter, toujours en longeant le récif, pour nous stabiliser à environ 10 mètres. Contrairement à nos craintes, notre passage à la partie peu profonde de la plongée ne diminua pas notre plaisir. A cette faible profondeur, les rayons de soleil pouvaient éclairer les couleurs du récif et le petit peuple qu’il abrite.
La luminosité exceptionnelle du moment sublimait notre perception de la vie sous-marine qui prenait une dimension toute autre. Le fait de plonger avec des photographes sous-marins et de les regarder en action change votre regard et vous donne une autre perception des mouvements d’un banc de rougets soldats, de labres multicolores, de perroquets broutant dans le sable du jardin d’Acropora. Toutes ces découvertes accumulées rendaient la fin de notre plongée totalement fascinante. De plus, d’énormes mérous marbrés, des Picasso et Titan balistes, un amas de perches, une myriade d’espèces de poissons soldats, des poissons papillons jaunes vifs batifolant sur les roses, des demoiselles néons bleus et même un nuage de « ume » chirurgiens noir planant au loin sont venus compléter cette féerie. Comme pour nous saluer, une tortue de mer a fait une brève apparition avant de s’éloigner vers la lumière du soleil. Contrairement aux descriptions relevées dans d’autres témoignages de plongées à Avatoru, moins glorieuses que la nôtre, le récif ce jour-là était aussi spectaculaire qu’on pouvait l’espérer pour une exploration sous-marine. C’était une plongée de rêve, surtout pour les photographes.
Vers la fin de la plongée, pendant notre pause de sécurité, je jetais un regard vers le bleu de la mer. Il me fait toujours un peu peur, ne sachant pas ce que je pourrais y rencontrer. Jusqu’à ce que l’on remonte… L’horizon sous-marin semblait clair… Rien ne sortait de l’ordinaire. Nous avions déjà beaucoup vu pour une plongée. Je me sentis alors comme le pêcheur du roman de Hemingway, « Le vieil homme et la mer ».
La plongée Avatoru m’a laissée dans un état d’émerveillement silencieux, de respect, de méditation et… d’extrême joie d’être plongeuse !
© Photos : G.LeBacon, V.Truchet, S.Girardot, G. Lecoeur
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